Élevage d’alevins Pterapogon Kauderni

Le temps est venu le temps de vous révéler tous mes trucs d’éleveur à succès de pterapogon kauderni … Mais auparavant il faut vous préparer psychologiquement à plusieurs choses :

  • à ce que votre salle de bain, toilette ou salle d’eau préférée ressemble à ça pendant plusieurs semaines :
Ca prend de la place, ça fait glouglou et c’est pas beau
  • le jour fatidique du largage des petits, une épuisette à la main la nuit tu veilleras,
  • des nauplies jusqu’à épuisement tu feras,
  • trois fois par jour tu nourriras,
  • les petits une fois grossis tu donneras (bon, moyennant le prix de revient des nauplies, faut pas exagérer quand même).

Avant tout, essayons de faire une liste à peu près exhaustive du matériel nécessaire :

  • un couple de ptérapogon (bien oui),
  • l’usine à nauplies (voir détail ci-dessous pour les néophytes es artémias),
  • un refuge ou un bac connecté au bac principal (solutions les plus faciles pour la maintenance), ou un bac de 20-30 litres ou encore un simple cadre-filet de ponte,
  • une épuisette.

La reproduction et l’incubation

Voici deux photos prises en la même occasion :

Parade Kauderni
Parade Kauderni (2)

Si vos kauderni font ce genre de choses dans votre bac, c’est plutôt bon signe. De toute façon, si vous avez un couple avéré, vous avez toutes les chances de voir un beau jour votre mâle refuser de s’alimenter. Et là, pas de panique, il est certainement en train d’incuber. Car les ptérapogon ont la particularité d’être des incubateurs buccaux. Et cette lourde tâche revient au mâle … pour une fois.

Le malheureux jeûnera donc pendant ces périodes, d’où au passage la nécessité de le nourrir correctement entre deux incubations. La période de repos étant de plus relativement courte (environ 1 à 2 semaines), le pauvre mâle ayant tôt fait de se retrouver avec une nouvelle future progéniture dans la bouche. C’est pas une vie, ça.

Plein la bouche

Pendant la durée de l’incubation, le mâle aura l’aspect caractéristique visible ci-dessus : bouche mi-ouverte, remuant de temps en temps la masse des œufs dans sa bouche, et restant plus ou moins prostré dans un coin de l’aquarium. La femelle lui tient en général compagnie tout au long de cette période, le laissant seul uniquement lors des distributions de nourriture. Il est à noter aussi que la femelle devient alors extrêmement territoriale, défendant la zone que le couple s’est approprié. Elle exprime cette territorialité de façon très convaincante contre les éventuels importuns et ce, quelle que soit leur taille.

La sortie des alevins

On ne peut pas parler de naissance à proprement parler puisque les alevins sont déjà sortis des oeufs depuis un bon moment, mais bien d’expulsion puisque le père garde le contrôle de la sortie jusqu’au bout. Il est très impressionnant lors des derniers jours, de voir les alevins regarder dehors, pour certains même tenter une sortie, puis de se faire rattraper à la dernière seconde.

Plein la bouche (2)
Plein la bouche (2)

Je ne sais pas quel est le mécanisme qui dit au père quand lâcher ses petits. Lassitude, impossibilité de tous les garder dans sa bouche, fatigue, faim, …
Un peu tout cela, mêlé à un zeste d’instinct sans doute. La pratique doit avoir aussi une certaine importance, et c’est sans doute ce manque d’expérience qui a mené à l’échec de la première tentative. C’est seulement après entre 21 et 28 jours d’après la littérature (dans mon cas 30 jours pour la première tentative et 31 pour la deuxième que l’expulsion des alevins aura lieu. Vous avez donc tout votre temps pour préparer leur arrivée tranquillement. Mais une fois là, il vous faudra être prêt à les nourrir plusieurs fois par jours dès les premières heures. L’idéal étant 4 ou 5 fois, mais cela n’est faisable que les week-end ou pour les retraités ;-). Il s’avère en fait que dès les premiers jours, trois rasades suffisent, pour peu qu’à chaque fois une bonne dose de nauplies soit servie (on va dire 2 à 3 seringues de 10 ml). Au bout d’une vingtaine de jours d’incubation, soyez donc prêts, en ayant en permanence au moins une fournée de nauplies prêtes à l’emploi. Ces nauplies serviront à gâter vos locataires en attendant l’heureux évènement. L’expérience venant vous saurez mieux apprécier le moment exact du lâché.

Bordel à nauplies
Tout le nécessaire pour une petite picouse d’artémias

Le fait d’avoir un refuge disponible est à ce sujet un atout de taille, puisqu’une partie non négligeable de nourriture sera perdue. Cette nourriture fera le bonheur des locataires de votre bac principal. De même la pollution engendrée par les alevins est sans doute loin d’être anodine dans un petit système clos. Dans le cas du refuge (ou d’un petit bac connecté temporairement au bac principal), la qualité de l’eau restera optimale grâce à l’usine de traitement que représente ce bac principal. Je n’ai noté qu’une hausse quasi négligeable des NO3 (de 0 à 0.2 mg/l !!). De plus la population du refuge a littéralement explosé devant l’afflux de nourriture … preuve s’il en était encore besoin de la nécessité de nourrir nos refuges. Bon, revenons à nos moutons.

Des nauplies, des nauplies et toujours des nauplies

Revenons à la photo de l’usine en début d’article. Il y a en fait tout le nécessaire à la production de cette nourriture absolument indispensable à la survie des alevins.

En gros :

  • 3 bouteilles plastique,
  • 3 pompes à air (je n’ai jamais réussi à faire fonctionner les 3 bouteilles en série)
  • du tuyau à air en quantité, pour ‘buller’ dans les bouteilles et siphonner les nauplies une fois écloses,
  • du mélange sel + œufs d’artémias (j’achète un mélange tout fait, par pure flemme) : 2 cuillères à café pour 1 litre d’eau,
  • des œufs sans sel (pour booster un peu la production, le mélange tout fait étant assez moyennement riche en œufs d’artémias) : 1 mesure par litre,
  • un chauffage, la température devant rester entre 20 et 25°C pour avoir des éclosions assez rapides (en 24-36 heures),
  • un tamis à nauplies,
  • éventuellement de la nourriture pour nauplies, si vos éclosions sont trop rapprochées : cela permet de les faire tenir quelques heures de plus,
  • des vitamines si ça vous amuse. Personnellement j’ai rapidement arrêté, sans augmentation de la mortalité des alevins,
  • un bout de papier et un crayon, pour noter quand chaque bouteille a été démarrée.

Je ne détaillerai pas le processus de fabrication des nauplies, plusieurs sites et livres le faisant déjà très bien. Mais en vitesse de croisière, il est nécessaire de démarrer 3 fournées en parallèle, autant pour avoir des nauplies fraîches matin, midi et soir, que pour se mettre à l’abri d’une fournée ‘avortée’, ce qui arrive de temps en temps, pour des raisons totalement inexpliquées (en tout cas pour moi).

Prélèvement des alevins

La chance a été de notre côté pour cette phase, sans doute la plus délicate à réaliser sans trop de pertes. Léon a en effet eu la gentillesse d’attendre une soirée de week-end pour lâcher ses petits. Je m’attendais à un lâché collectif, mais en fait cela a eu lieu de 11h30 à 22h heures. Le premier alevin (sans doute un échappé) est allé se réfugier dans le faux oursin. Puis plus rien jusqu’à 19h30. Et début du largage ‘intensif’ qui ne pris fin que vers 22 heures.

On se casse !! Largage d’un alvin (flèche bleue)
On se casse !!
Largage d’un alvin (flèche bleue)

Isabelle les a patiemment pêchés un par un, au fur et à mesure des largages. Le lâché ayant eu lieu de nuit, les alevins remontent ‘bêtement’ à la surface, où il est donc relativement facile de les repérer. Un peu plus difficile de les attraper, mais c’est sans compter avec la dextérité féminine. Ce comportement photophile n’ayant jamais été décrit cela reste à confirmer, mais nous avons été témoins de ce comportement 19 fois. Je ne prélèverai pas la prochaine fournée, pour plusieurs raisons, la principale étant que le refuge sera toujours occupé par la fratrie précédente. Et il faut aussi bien l’avouer à cause d’une certaine lassitude face à un nourrissage et une fabrication de nauplies sans relâche possible. A cet effet, je testerai le fonctionnement d’un faux oursin, qui a déjà en partie fait ses preuves, puisqu’au moins un des alevins de cette première portée s’y est réfugiée … A confirmer aussi, mais on peut s’attendre à un taux de réussite hélas beaucoup plus faible.

Maintenance des alevins

Je suis sans doute quelque peu chanceux, mais sur les 18 ou 19 pêchés le 12/10, 1 mois plus tard (nous sommes le 15/11) je n’ai à déplorer qu’une ou deux pertes …

Ce chiffre très faible par rapport aux autres expériences narrées sur le Web est dû, à mon avis, à plusieurs facteurs favorables :

  • le nombre assez faible d’alevins au départ. Bien que la production de nauplies eut été assez importante pour en nourrir 3 fois plus sans problème,
  • encore une fois le fait d’avoir réalisé l’élevage dans un bac connecté à un bac récifal équilibré et démarré depuis suffisamment de temps pour être assez stable et absorber la charge organique supplémentaire,
  • une bonne préparation à ce qui m’attendait après la lecture des articles cités en bibliographie.

Il nous été donné d’observer un comportement extraordinaire qui ne devra pas vous alarmer comme cela a été le cas pour nous. Il faut dire qu’au premier abord, on a l’impression d’assister à la mort d’un alevin. Cela a lieu lorsque celui-ci est surpris, que ce soit par un mouvement brusque, le nettoyage du bac, un nourrissage trop brutal. Il part brutalement sur le dos, et va se plante le nez le premier dans le fond du bac, dans des mouvements extrêmement saccadés, comme pris de spasmes. Il reste comme ça, le nez en bas, ridicule, grotesque même, dans une dernière feinte simulant la mort. Réellement incroyable à observer, surtout quand c’est tout le groupe qui est pris du même comportement, ce qui m’est arrivé lors d’un grattage un peu énergique des parois du refuge.

Kaput Simulation de mort
Kaput
Simulation de mort

En conclusion

Il n’y a aucune raison pour que cette expérience ne soit pas renouvelable par quiconque ayant un minimum de soin, de temps à y consacrer, et surtout une bonne dose d’obstination et de patience. Mais si vous avez la chance d’avoir un couple de kauderni, quelle expérience ! Ne vous en privez surtout pas, surtout par crainte de mal faire. Cette expérience prouve le contraire : c’est à la portée de n’importe qui. Si vous souhaitez voir quelques photos des petits, cliquez ici.

Liens, bibliographie :

http://www.reefs.org/library/

http://breeders-registry.gen.ca.us/

http://www.reefs.org/library/talklog/