La calcification

La calcification est une des premières choses que l’aquariophile maintenant des coraux durs doit comprendre. Mais on verra que même si ces coraux bâtisseurs de récifs ne font pas partie des locataires de son bac, il est intéressant d’avoir quelques notions de chimie de l’eau de mer, afin d’en comprendre le comportement (variation du pH, alcalinité, composants, …).


La calcification est responsable de l’accroissement de la taille des récifs coralliens, ou au moins de leur non disparition face à l’érosion de la mer. La lente construction de ces édifices titanesques (on dit, mais est-ce vrai ?, que la Grande Barrière de corail Australienne est la seule construction animale visible depuis la Lune) par nos coraux constructeurs préférés est dépendante principalement de deux composants : le calcium et le bicarbonate.
Un atome de calcium réagit avec deux molécules de bicarbonate pour créer une molécule de carbonate de calcium selon la réaction suivante :
Ca++ + 2 HCO3 <> CaCO3 + H2O + CO2

On voit, au travers de cette équation, que concentration en calcium et alcalinité sont étroitement liées.

Cette calcification a lieu dans les organismes vivants eux-mêmes : on dit alors de cette réaction qu’elle est biogène.
Dans la nature, il y a équilibre entre la dissolution du carbonate de calcium et sa consommation. La dissolution est réalisée par les bactéries dans des zones confinées du récif ou dans des zones où l’acidité atteint des valeurs suffisantes pour assurer cette dissolution (zones profondes du sable, interstices dans les pierres, …).
Dans le système clos d’un aquarium, les taux optimaux de calcium et d’alcalinité (respectivement 450mg/l et entre 7 et 10 dKH) sont maintenus grâce à différentes méthodes :

– Les solutions bi-composants : Il s’agit de 2 solutions à ajouter régulièrement dans le bac en égale quantité afin de maintenir les taux de calcium et l’alcalinité à leurs niveaux optimaux.
Les concentrations en calcium et en buffers sont très élevées en comparaison de celles de l’eau de chaux (entre plusieurs dizaines et plusieurs centaines de fois ! Elles permettent donc d’assurer des taux optimaux même en cas d’évaporation très faible.
Il existe plusieurs méthodes, les 2 plus connues étant :

  • La méthode NaCl / NaHCO3 :

La première solution contient les buffers, aptes à maintenir l’alcalinité souhaitée.
La deuxième solution est en fait du chlorure de calcium.
Les réactions chimiques concernant le calcium sont :
CaCl2 + Na2CO3 + CO2 + H2O –> Ca++ + 2HCO3 + 2NaCl
et d’autre part
CaCl2 + 2NaHCO3 –> Ca++ + 2HCO3 + 2NaCl 
Le principal problème de cette méthode est qu’elle conduit inexorablement à un déséquilibre dans la balance ionique (accumulation de chlorure de sodium NaCl). Les effets à long terme de ce déséquilibre sur nos locataires sont encore mal connus, et seuls des changements d’eau peuvent y remédier.

  • La méthode bi-composants ‘améliorée’ :

Le principe reste le même, mais les ions d’accompagnement sont différents, retardant ou diminuant ainsi leurs effets néfastes. On peut aussi rajouter des oligo-éléments à la formulation.
On évite ainsi l’accumulation de NaCl et les apports toujours fastidieux d’oligo-éléments et autres Iode, Strontium et Magnésium.
L’idéal, si l’on choisit ce type de technique, est d’assurer l’apport des solutions dans le bac grâce à deux pompes doseuses, ce qui évitera la lassitude et donc le relâchement inévitable dans la régularité de maintenance du bac.

– Le réacteur à calcium ou à hydroxyde de calcium (RAH) : Volume hermétiquement clos dans lequel se fait le mélange [hydroxyde de calcium (Ca(OH)2) + eau osmosée]. Le mélange est fait grâce à une pompe travaillant en circuit fermé, ou par un agitateur magnétique. Ce mélange saturé en hydroxyde de calcium (ce mélange est aussi appelé eau de chaux) sert lors de la remise à niveau de l’eau (dans le cas d’un système automatisé de compensation de l’évaporation, on parle d’osmolateur) afin de compenser la consommation en calcium et en alcalinité des coraux durs et des algues calcaires.

Les réactions chimiques sont :
Lors du mélange de l’hydroxyde de calcium dans l’eau pure pour fabriquer l’eau de chaux :
Ca(OH)2 –> Ca++ + 2 OH
Les ions OH sont aussi appelés ions hydroxydes.
L’eau de chaux a besoin de deux molécules de CO2 afin de libérer le calcium et les bicarbonates :
(Ca++ + 2 OH) + 2 CO2 –> Ca++ + 2HCO3

Si l’eau de chaux ne trouve pas assez de CO2 lors de son introduction dans l’eau du bac, il y aura précipitation de carbonate de calcium :
(Ca++ + 2 OH) + CO2 –> Ca++ + CO3 + H2O –> CaCO3 + H2

Si l’ajout d’eau de chaux se fait trop rapidement, celle-ci se recombine en carbonate de calcium avec le Calcium et les bicarbonates déjà présents dans l’eau :
(Ca++ + 2 OH) + Ca++ + 2HCO3 –> 2 Ca++ + 2 CO3 + 2 H2O –> 2 CaCO3 + 2 H2

– Le réacteur à calcaire : ​​​Volume hermétiquement clos, dans lequel un substrat calcaire (sable de corail ou aragonite, carbonate de calcium ou calcite. La calcite étant potentiellement plus pure car exempte de phosphate, mais plus difficile à dissoudre) est lentement dissout dans un milieu acide (de l’eau prélevée dans le bac, acidifiée dans le réacteur par injection de CO2). L’eau enrichie en calcium et buffer est ensuite réinjectée dans le bac, en goutte à goutte. L’avantage de ce système par rapport au réacteur à calcium est une efficacité très nettement supérieure en terme de production de Ca et d’alcalinité. En effet, grâce à la présence de CO2, les ions hydroxydes OH se recombinent directement en HCO3 (bicarbonate). Par contre si le CO2 est injecté en trop grande quantité dans le réacteur, il peut ne pas être consommé complètement et des quantités résiduelles peuvent être injectées dans le bac, ce qui favorisera les poussées d’algues et peut faire baisser le pH. Dans l’idéal, on contrôle le pH du milieu acide avec un pH-mètre qui pilote l’injection du CO par l’intermédiaire d’une électrovanne. Une autre solution peut être de contrôler le pH du bac et d’arrêter le RAC que lorsque la valeur du pH du bac passe sous le seuil que l’on a fixé à l’avance.
La réaction mise en jeu est :
CaCO3 + H2O +CO2 –> Ca++ + 2HCO3
Un autre avantage du réacteur à calcaire est qu’en cas d’utilisation de sable de corail comme substrat à dissoudre, on assure l’apport de Strontium en même temps que l’apport de Calcium et de tampon.

Ces trois solutions peuvent être examinées en détail en suivant les trois liens ci-dessus, mais en général, on commence par les solutions bi-composants (buffer et chlorure de calcium par exemple, ou des solutions plus complexes comme le Bionic), puis on passe au réacteur à calcium, et enfin lorsque le bac commence à être lourdement chargé en coraux durs et algues calcaires, on met en route un réacteur à calcaire en complément ou seul.
Cet ordre de mise en service correspond aussi à l’investissement initial nécessaire : les solutions bi-composants ne nécessitent aucun investissement initial, le réacteur à calcaire est le plus cher à mettre en route, alors que le réacteur à calcium nécessite un investissement moyen.
Par contre, à l’usage, l’ordre est inverse : les solutions bi-composants sont onéreuses à la longue, le réacteur à calcium nécessite une recharge en hydroxyde de calcium toutes les semaines, et le réacteur à calcaire ne demande que des recharges de CO2 et de substrat calcaire de loin en loin.

Le fait d’utiliser les deux réacteurs en même temps n’est nullement antinomique. Au contraire, ils peuvent s’avérer complémentaires : si l’un a tendance à consommer du CO2, l’autre peut en fournir en excès. De plus, afin de minimiser les variation du pH, on a tendance à utiliser le réacteur à calcaire le jour (le pH du bac monte le jour à cause de la consommation du CO2 par la photosynthèse, l’eau sortant du réacteur à calcaire a tendance à être acide), et on recommande l’utilisation du réacteur à calcium la nuit (pour la raison inverse : le pH baisse la nuit alors que l’eau de chaux a un pH élevé). On verra dans l’article sur l’eau de chaux par la pratique que ceci est plutôt du domaine du fantasme, les échanges gazeux étant suffisamment élevés dans un bac bien brassé pour contrecarrer ces apports.

Même en utilisant un des réacteurs (ou les deux en même temps), il est quelquefois nécessaire d’ajuster le taux de calcium ou l’alcalinité indépendamment l’un de l’autre, même dans un bac équilibré et en route depuis longtemps. Le buffer et le chlorure de calcium devraient faire partie de la trousse de tout bon aquariophile.

Liens, bibliographie :